50 Jahre Göttin auf vier Rädern

Citroën DS

Je crois que l’automobile est aujourd’hui l’équivalent assez exact des grandes cathédrales gothiques : je veux dire une grande création d’époque, conçue passionnément par des artistes inconnus, consommée dans son image, sinon dans son usage, par un peuple entier qui s’approprie en elle un objet parfaitement magique.



La nouvelle Citroën tombe manifestement du ciel dans la mesure où elle se présente d’abord comme un objet superlatif. Il ne faut pas oublier que l’objet est le meilleur messager de la surnature : il y a facilement dans l’objet à la fois une perfection et une absence d’origine, une clôture et une brillance, une transformation de la vie en matière (la matière est bien plus magique que la vie), et pour tout dire un silence qui appartient à l’ordre du merveilleux. La „Déesse“ a tous les caractères (du moins le public commence-t-il par les lui prêter unanimement) d’un de ces objets descendus d’un autre univers, qui ont alimenté la néomanie du XVIIIème et celle de notre science-fiction : la Déesse est d’abord un nouveau Nautilus. (…)

Il se peut que la Déesse marque un changement dans la mythologie automobile. Jusqu’à présent, la voiture superlative tenait plutôt du bestiaire de la puissance ; elle devient ici plus spirituelle et plus objective, et malgré certaines complaisances néomaniaques (comme le volant vide), la voici plus „ménagère“, mieux accordée à cette sublimation de l’ustensile que l’on retrouve dans nos arts ménagers contemporains : le tableau de bord ressemble davantage à l’établi d’une cuisine moderne qu’à la centrale d’une usine : les minces volets de tôle mate, ondulée, les petits leviers à boule blanche, les voyants très simples, la discrétion même de la nickelerie, tout cela signifie une sorte de contrôle exercé sur le mouvement, conçu désormais comme confort plus que comme performance. On passe visiblement d’une alchimie de la vitesse à une gourmandise de la conduite.

Il semble que le public ait admirablement deviné la nouveauté des thèmes qu’on lui propose : d’abord sensible au néologisme (toute une campagne de presse le tenait en alerte depuis des années), il s’efforce très vite de réintégrer une conduite d’adaptation et d’ustensilité („Faut s’y habituer“). Dans les halls d’exposition, la voiture témoin est visitée avec une application intense, amoureuse : c’est la grande phase tactile de la découverte, le moment où le merveilleux visuel va subir l’assaut raisonnant du toucher (car le toucher est le plus démystificateur de tous les sens au contraire de la vue, qui est le plus magique) : les tôles, les joints sont touchés, les rembourrages palpés, les sièges essayés, les portes caressées, les coussins pelotés ; devant le volant on mime la conduite avec tout le corps. L’objet est ici totalement prostitué, approprié : partie du ciel de Métropolis, la Déesse est en un quart d’heure médiatisée, accomplissant dans cet exorcisme, le mouvement même de la promotion petite-bourgeoise.

Roland Barthes, 1954, Mythologies.

Mehr über die Citroën DS:
Citroën: la légende
– SPON: Die göttliche Diva

Veröffentlicht von Andreas

Andreas Schepers leitet die Kommunikation des Berliner Labors des Deutschen Forschungszentrums für Künstliche Intelligenz, DFKI. Hier schreibt er privat über Dinge, die ihn interessieren: Astronauten, Pop, etc... und KI.

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